Les voiles du navire commencèrent à claquer dans tous les sens, alors que de méchantes rafales les déchiraient en lambeaux. Les cris inquiets de nos compatriotes des autres navires me parvenaient malgré la distance et leur effroi était sans nul doute justifié. Tous les marins expérimentés, sans exception, savent que Dame Nature, même dans ses humeurs les plus violentes, ne saurait produire une telle tempête en si peu de temps. A présent, la mer se soulevait devant la proue de façon inquiétante et de gros jets d'embruns étaient projetés dans l'air, là où les vagues venaient s'écraser contre un rocher déchiqueté qui affleurait à tribord.
Je levai la tête et fus soudain abasourdi par le ciel qui nous surplombait. Je n'avais jamais vu auparavant les éléments se déchaîner ainsi et les nuages noirs étaient désormais d'une terrible beauté, formant une spirale au-dessus de nos têtes, s'entortillant et tournant sur eux-mêmes alors que des éclaires de lumière traversaient leur masse sombre et les faisaient bouillir.(...)
Une masse de nuages noirs descendait, comme une cheminée, du centre du tourbillon et un phénomène indescriptible, au-dedans, commençait à se profiler.(...)
Quelques instant plus tard, habilement dirigé par notre capitaine, notre vaisseau roula de ce côté et s'arrêta de lui-même dans une baie de galets. Amaleh, ayant retrouvé un peu de courage, décida de sortir de son abri et s'élança hors de l'ombre pour venir m'aider. Dans cette obscurité, nous n'apercevions l'île que dans la lumière brève mais intense des éclairs et nous parvîmes à trouver un point stratégique lorsque notre ennemi fut entièrement constitué, son énorme masse nous dominant comme la personnification même du mal. Une tête monstrueuse, mi-dragon mi-serpent, au cou recouvert d'écailles, jaillit de l'énorme colonne tournoyante de vent et d'eau. Sur les côtés apparaissaient nettement ses griffes, mais le plus terrifiant de tout était le cri de la bête, un hurlement guttural qui se mêlait au rugissement de l'océan et produisait un son d'une telle férocité qu'il fit trembler le sol sur lequel nous nous tenions.
Le navire de tête ne se trouvait désormais qu'à quelques secondes du centre de la tornade. Il m'était impossible de voir si cette apparition effrayante était le seul fruit des éléments ou s'il s'agissait véritablement de quelque chose de vivant, fait de chair et de sang. Quelque chose qui se serait métamorphosé de manière invraisemblable et aurait ainsi acquit le pouvoir d'attaquer comme n'importe qu'elle bête. Dans tous les cas, nous étions en grand danger puisque si ce n'était pas la bête, ce serait la tornade qui mettrait nos navires en pièce.(...)
Je brandis mon bâton vers le ciel et un éclair se propagea, déchirant l'obscurité. Les cris de victoire de nos compagnons surmontèrent le vacarme de l'océan lorsque le flux d'énergie trouva sa cible et, une seconde plus tard, le ciel sembla se déchirer tandis que la créature explosait avec une violence inouïe, en une pluie de débris.(...)